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AU DEPART, TOUT ETAIT BIO

Le concept de l’agriculture bio est récent et résulte de la transformation de l’agriculture (bio) en une agriculture recourant largement à la chimie (pétrole, gaz) pour lutter contre les parasites, maladies, mauvaises herbes et pour enrichir le sol.

AU LENDEMAIN DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE, L’AGRICULTURE POUVAIT DIFFICILEMENT REPONDRE AUX BESOINS DE LA POPULATION. NOUS ETIONS DANS UNE SITUATION PROCHE DE LA FAMINE.

Les pouvoirs publics interviennent massivement. Encore aujourd’hui, l’agriculture représente 50% du budget communautaire. Contrairement à ce qui se passe à la même époque dans les pays de l’Est aux économies planifiées, cet interventionalisme de l’Etat conjugué aux progrès de la mécanisation et de la chimie fait mouche. La productivité augmente en flèche au point que l’Europe ne sait plus que faire de ses excédents agricoles.

 AU DEBUT, C’ETAIT MIRACULEUX

Les machines permettaient de travailler des surfaces beaucoup plus importantes en se fatiguant moins et d’élever plus de bêtes. La chimie permettait d’obtenir des rendements beaucoup plus élevés tout en limitant largement les pertes dues aux maladies et parasites. Les prix des produits agricoles étaient garantis par les pouvoirs publics… Que demander de plus ?

PETIT A PETIT, LES AGRICULTEURS DECOUVRENT LES DEGATS COLLATERAUX 

Les investissements en matériel performant sont lourds, les agriculteurs sont obligés de s’endetter. Ils deviennent pieds et poings liés à leur banque ce qui leur coupe toute marge de manœuvre.

Leur nombre ne cesse de diminuer. Autrefois, un lobby puissant et respecté, il ne représente plus grand chose dans la société d’aujourd’hui. Endettés, assistés, perturbateurs de la quiétude des citadins nouvellement installés à la campagne, ils ont perdu toute fierté.

Leur terre, leur capital, ne représente plus grand chose. Epuisée par de nombreuses années de (mono)culture intensive, elle n’est plus qu’un substrat apte à recevoir les nutriments spécifiques à la culture envisagée.

A force de réduire les obstacles (haies, clôtures, sentiers) aux passages sur leurs champs de machines toujours plus grandes, ils ont laissés partir dans les égouts sous l’action des grosses averses l’humus que leur terre contenait.

Ils se retrouvent en première ligne pour respirer et avaler les substances toxiques qu’ils manipulent. Certains y laisseront la vie. En France, un rapport des autorités sanitaires (qui n’a jamais été rendu public) évalue que dans 10 ans, 90% des agriculteurs des agriculteurs français auront contracté un cancer. Un chiffre qui est malheureusement bien réel, toujours en France, deux agriculteurs se suicident en moyenne par jour !

En Belgique, l’A.F.S.C.A., l’Agence Fédérale pour la Sécurité de la Chaine Alimentaire, impose des règles d’hygiène et de traçabilité intenables pour les petits producteurs et transformateurs.

Chaque année en Belgique, on dénombre une vingtaine de cas de décès liés à une salmonellose, suite à un manque d’hygiène, principalement chez des personnes âgées. Par contre, 50.000 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués chaque année et un peu moins de 30.000 décès liés au cancer. Que fait l’A.F.S.C.A. et derrière elle l’Europe qui tolère toute cette chimie dans notre alimentation et notre environnement ?

Ces mêmes substances se retrouvent dans le produit fini ou dans l’environnement : pollution de l’air ou de la terre. Tout cela finit par s’infiltrer dans la nappe aquifère. Ce que vous n’aurez pas eu dans votre assiette, vous le recevrez dans votre verre d’eau 20 années plus tard.

Nos surplus sont exportés, voire donnés, aux pays du Tiers-Monde, ce qui déstructure toute leur économie agraire. De leur coté, ils sont contrains de produire et exporter à très bas prix des produits agricoles qui une fois chez nous, produisent les mêmes effets.

L’Europe s’oriente vers la suppression des quotas de production et une libéralisation totale du marché mondial.

Des spéculateurs sans scrupules stokes, par exemple, des grandes quantités de blé pour les revendre lorsque les cours mondiaux seront suffisamment élevés à leurs yeux, plongeant ainsi les populations au pouvoir d’achat les plus faible dans la famine. Pas besoin de gros moyens pour jouer à cela : quelques milliers d’euro et un pc suffisent !

Désormais, dans ce monde complètement libéralisé et dérégulé, un paysan Wallon devra travailler au même prix et avec les mêmes marges qu’un paysan Polonais ou provenant d’un pays émergeant.

UN BILAN PEU GLORIEUX POUR LA PLANETE

Finalement, l’agriculteur, cet écologiste avant l’heure, qui conjuguait les ressources renouvelables du sol, de l’eau et du soleil pour produire des aliments source d’énergie, est devenu un des premiers gaspilleurs des ressources de la planète. Si on fait le bilan énergétique d’une carotte : l’énergie qui aura été dépensée pour produire les engrais, pesticides, désherbants, les différents passages des machines sur le terrain, le nettoyage, l’emballage, le transport, la réfrigération de la carotte jusqu'à son achat par le consommateur final, on devine que le bilan énergétique est largement déficitaire.

Avant 1950, on considérait que la production d'une calorie végétale consommait une demi-calorie d’énergie fossile. Actuellement, il en faut 10 à 20 fois plus dans l'agriculture conventionnelle.

Pour produire une calorie animale, il faut en moyenne 7 calories végétales soit 35 à 70 calories fossiles. Tout cela n'est possible qu'avec un pétrole et un gaz abondant et bon marché. Dans 20 ou 30 ans, lorsque le pétrole sera devenu rare et cher, l'agriculture bio s'imposera à toute la planète.

Actuellement, le pétrole est encore scandaleusement bon-marché. Un litre, que l’on paie au même prix qu’une bouteille d’eau ou de lait, permet de déplacer très facilement un véhicule de plus d’une tonne pendant 15 km avec un moteur à explosion dont les 2/3 de l’énergie est perdue sous forme de chaleur. Sans pétrole et avec une pièce de 2 € en poche, essayer de faire déplacer votre véhicule de 15 km ?

Dix litres de pétrole représente une année de labeur pour un homme!

Vers 1900, lorsqu’on a commencé à exploiter le pétrole, ce dernier était abondant et d’accès facile. L’équivalent d’un baril suffisait à en extraire 100. En 1990, il fallait un baril pour en extraire 35. Aujourd’hui, il faut un baril pour en extraire 12. Les rendements vont continuer à se réduire alors que la demande risque de s’accroitre encore, ne fusse que par l’augmentation de la démographie. Les prix ne peuvent qu’augmenter. Nous avons probablement atteint le pic du pétrole. L’exploitation des gaz de schiste et des biocarburants semble donner des rendements très faibles, voir négatifs. Il faut +/- un baril pour produire un baril !  

En 150 ans, nous auront consommé 100 millions d’années d’énergie solaire ! C’est le temps qu’il aura fallu pour que les végétaux, produit avec l’énergie solaire, se transforme en énergie fossile.    

Pour produire 1kg de nitrate, il faut 10 litres de pétrole. Pour dépolluer l’épandage d’un kg de nitrates, il faut compter environ 70 €, pour 1kg de pesticides, compter 100.000 €. Nous nous autodétruisons !

Pour produire 1 kg de bœuf, il faut 15000 litres d’eau (= l’eau qui tombe sur la prairie) Dans un élevage hors sol, il faut 100.000 litres d’eau (= l’eau de pluie et l’arrosage du champ de maïs qui va nourrir l’animal + l’impact du rejet de nitrates concentrés)  

On considère que les changements climatiques sont liés pour 45% à notre alimentation : la déforestation.

Pour nourrir un américain, il faut 90 à 100 ares, un belge 60 à 80 ares, un thaïlandais, seulement 8 ares ! Heureusement que nos civilisations occidentales sont vieillissantes et que l’expansion démocratiques se produit dans le tiers-monde et pas l’inverse.

Il n’y aura pas d’autres alternatives !

Les défis de demain sont gigantesques :

-        réchauffement climatique, perturbation sensible du climat dont les effets sont déjà perceptibles. Actuellement (2013), la terre s’est déjà réchauffée : + 0,7°C. La majorité des scientifiques s’accordent pour dire qu’en prenant des mesures drastiques maintenant, on peut limiter la hausse à + 2°C. Au-delà, les bouleversements liés au changement de climat seraient beaucoup plus conséquents et beaucoup plus difficilement prévisibles. La vie des humains sur la planète serait sérieusement compromise. La biodiversité serait encore plus réduite. Mais aucune mesure sérieuse ne semble être prise.

Le plus célèbre climato sceptique de France, le géophysicien Claude Allègre, membre de l’Académie des Sciences et ancien ministre de l’Education Nationale, a avoué « avoir reçu des cadeaux » de la part de certains groupes industriels…dans un débat sur France Inter

A une certaine époque, il était régulièrement invité sur les plateaux de télévision. Il a réussi à établir un doute dans la population. En nous laissant convaincre par ce genre de sinistre personnage, nous nous donnons un alibi pour ne pas agir ni changer nos habitudes.  

-        rehaussement du niveau des mers, des zones habitables de plus en plus souvent inondées avec pour conséquence, de plus en plus de réfugiés climatiques

-        des terres agricoles sous le niveau de la mer devenues incultivables à cause de l’augmentation de la salinité, d’autres incultivables par manque de pluie ou de surexploitation agricole, d’érosion. Enfin, d’autres sacrifiées à des fins d’urbanisation (- 5 % par an en France)

-        raréfaction des énergies fossiles, des matières premières

-        production excédentaire de gaz à effet de serre tels que le CO2 alors que les forêts subissent et continuent de subir une déforestation sans précédent. La planète, jusqu’en 1960, a maintenu un parfait équilibre entre la production de CO2 et son absorption. Le développement des activités humaines à durablement tout déréglé. Revenir à cet équilibre naturel sera très difficile.

-        réduction sensible de la couche d’ozone et augmentation des cancers de la peau, nous le vivons déjà en direct. Il y a quand même une bonne nouvelle de ce côté-là. L’interdiction des « cfc » au niveau mondial a permis à la couche d’ozone de se rétablir.

-        diminution inquiétante de la biodiversité

-        diminution des ressources de la mer (pèche) et pollution inquiétante des océans par le plastic notamment.

-        gestion des déchets, des pollutions diverses sans oublier les pollutions nucléaires, électromagnétiques,…

-        accès de plus en plus difficile à l’eau potable. Il est toujours possible de dessaler l’eau de mer, mais cela demande pas mal d’énergie.

-        une population mondiale qui passerait de 6 milliards d’êtres à 9 en l’espace d’une à deux générations avec en même temps un phénomène de vieillissement des populations de la vieille Europe. Pour rappel, nous n’étions seulement qu’un million d’habitants sur cette planète il y a environ 10000 ans et un milliard vers 1840, 6 milliards en 2000. Actuellement, on considère que 1/6 de la population mondiale est sous alimentée soit un milliard d’habitants dont 15 millions sur le continent Européen.

-        Gaspillage alimentaire sans précédent. Du producteur au consommateur, tous les acteurs confondus, 1/3 des denrées alimentaires consommables sont jetées dans le monde. Ce rapport atteint la moitié dans l’Union Européenne alors que 76 millions d’européens vivent sous le seuil de pauvreté et 16 millions dépendent de l’aide alimentaire.

-        adapter ou changer de système économique. Le capitalisme, générateur de beaucoup d’inégalités, nous pousse à consommer toujours d’avantage via la publicité omniprésente et un accès au crédit. Un relatif bien-être ne peut se maintenir que par une croissance continue du produit intérieur brut. Ce modèle, pourtant devenu universel, ne peut plus durer. Nous ne pourrons indéfiniment consommer de plus en plus tous les ans en acquérant sans cesse, par exemple, des biens de consommation dont la durée de vie est artificiellement réduite de 2% en moyenne chaque année. (= obsolescence programmée)

Malgré une croissance continue de 2 % en moyenne du P.I.B. en Europe, on assiste à une baisse du niveau de « bien-être » depuis le début des années 80.

Dans tous les pays régis par une économie de marché, depuis la fin de la seconde guerre mondiale jusque fin des années 70 et début des années 80, on observe une corrélation directe entre la croissance et le bien-être. C’est durant cette période que se met en place une sécurité sociale généreuse et efficace, que s’opèrent des réductions du temps de travail, des augmentations de salaires, la mise en place d’un enseignement gratuit accessible à tous,…

Ensuite, la machine s’enraye malgré une croissance continue de 2% en moyenne par an.

Les marchés sont saturés. Les « commerciaux » sont mis sous pression. On essaye de vendre par tous les moyens : ruse, excès de pub, obsolescences des objets programmée pour être de plus en plus courte, gâchis écologique,…

Apparition d’un chômage structurel. Les indicateurs de bien être aujourd’hui sont au plus bas. Les consommations de drogues licites et non licites explosent. Le stress devient omniprésent, les tentatives de suicide plus nombreuses...

Pourtant, les scientifiques nous ont plusieurs fois alertés. Ne citons que le Club de Rome, un groupe de réflexion réunissant des scientifiques, des économistes, des fonctionnaires nationaux et internationaux, ainsi que des industriels de 53 pays, qui prôna, dès 1972, une croissance zéro.

Dernièrement, des scientifiques américains, avec l’aide d’un logiciel élaboré par la NASA, ont affirmé que la civilisation industrielle se dirigeait tout droit vers un effondrement irréversible. D’ici une quinzaine d’années soit en 2029?

Cette étude conclut qu’il est encore temps d’intervenir pour éviter cet effondrement, mais, cela reste peu probable. Les populations qui ont le monopole des richesses (= nous) seront protégées plus longtemps des désastres environnementaux. Elles seront tentées de continuer à vivre comme si de rien était, en dépit des catastrophes prévisibles. C’est exactement ce que nous faisons !

Actuellement, de nombreuses initiatives apparaissent : groupement d’achats collectifs (GAC), service d’échange local de services (SEL), objecteurs de croissance, ville en transition, monnaie locale, mise en commun de voitures ou d’autres biens, recyclage, permaculture, réparcafé, accès gratuit via internet à une quantité d’informations, logiciels,…Création d’objets divers via des imprimantes 3D ?

Toutes ces initiatives ont pour point commun de se préparer à une nouvelle ère, celle de l’après pétrole, de la fin d’un accès illimité à des matières premières abondantes et bon marché.

Mais aucune de ces initiatives, à mes yeux, ne fournit de réponses satisfaisantes sur la façon de financer l’Etat, de rembourser la dette, de financer la sécurité sociale...

Actuellement, cette surconsommation folle génère des emplois, des rentrées dans les caisses de la sécurité sociale et de nombreuses recettes fiscales.

L’Etat actuellement finance encore, mais de plus en plus difficilement, de nombreux besoins : éducation, santé, sécurité, justice, culture, mobilité, vieillesse,…

Mais comment l’Etat pourra t’il encore se financer valablement dans un monde en décroissance avec une explosion des dépenses liées aux changements climatiques ?

Nous allons probablement, comme les grecs, retourner vivre dans les campagnes et cultiver la terre nous même pour autant qu’il y ait encore des terres disponibles !      

Nous ne disposons d’aucune planète de rechange !

Notre terre serait vieille de 4467 millions d’années, les derniers dinosaures se seraient éteints il y a 65 millions d’années alors que le premier homme serait apparu il y a seulement 200.000 années.

Mais il nous aura fallu moins d’un siècle pour modifier de façon irréversible le climat. Un siècle à l’échelle de la terre, cela ne représente…que presque rien. Si l’on prenait pour échelle un trait d’un mm pour représenter 100 ans, il nous faudrait 44,67 km de papier pour représenter la terre depuis ses débuts !      

L’imposture des biocarburants

On fabrique actuellement de l’essence à base d’alcool de sucre de betteraves ou de canne et du diesel au départ d’huile de colza ou de tournesol.

L’Europe veut imposer une proportion de 10% d’agro carburants dans le litre vendu à la pompe.

Cela ne fait qu’accroitre notre dépendance au reste du monde pour nous nourrir. Dans les pays producteurs, les cultures massives d’huile et de sucre déstructure l’agriculture locale et accélère la déforestation. Les prix des denrées alimentaires sont à la hausse. Une hausse de 10% du prix des denrées alimentaires n’a pas du tout le même impact dans une famille riche qui consacre 10% de son budget à l’alimentation que pour une famille pauvre dont 50% du budget est déjà consacré à l’alimentation.

Les européens se bouchent leurs artères en avalant de la graisse de palme (que l’on retrouve de plus en plus dans une grande partie de leur alimentation) et ils brulent dans leur moteur des huiles nobles qui leur feraient pourtant le plus grand bien !

A la grosse louche, on peut estimer qu’un hectare peut suffire à nourrir un cheval, pâture + culture du foin pour l’hiver. Un hectare de colza ou de betteraves peut produire par an de quoi déplacer une auto moyenne pendant 20 à 40.000 km.

Si les français consacreraient demain l’entièreté de leur surface dédiée à l’agriculture à la production d’agro carburant, outre l’immense gâchis environnemental, ils ne couvriraient qu’un quart de leurs besoins.  

Par contre, réaliser des biocarburants ou des biogaz au départ de déchets organiques, de récoltes ratées et invendables est une bonne idée. En Belgique, 0,2% de la Super ou du Diesel vendu à la pompe est issu d’agros carburants réalisés au départ de déchets organiques. Pour être complet, il faut tenir compte que ces déchets ne sont généralement pas exploitables tel quel, ils doivent être mélangés à des matières plus nobles cultivées dans le but de produire des biocarburants.      

LE BIO : LES PRECURSEURS

-         La méthode de Sir Albert Howard développée d’abord en Inde et transposée ensuite en Angleterre s’appuie principalement sur le compostage de tous les déchets animaux et végétaux.

-         La méthode à base de poudre de roche mise au point en Suisse par Müller et Rusch. La fumure minérale à base de poudre de roche est systématiquement utilisée pour tous les types de sol et complétée par des scories de déphosphoration si le sol est trop acide ou du patenkali (sulfate de potasse et magnésie) si le sol est trop basique. La fertilisation organique est apportée par du compostage de surface et du mulching ainsi que des engrais verts lorsque l’espace entre deux cultures est suffisant. Le sol ne reste jamais à nu.

-         La méthode du compost de broussailles mise au point par Jean Pain. Vivant dans les Landes, il dispose d’énorme quantité de broussailles et il manque cruellement d’eau. Il broie et composte broussailles et matières végétales qu’il épand ensuite sur le sol sous forme d’une grosse couche d’environ 7 cm. Cela permet de ne plus devoir arroser ni retourner le sol. On évite également que ce dernier ne reste à nu.

-         La méthode Lemaire-Boucher s’inspirede la méthode de Sir Albert Howart mais se caractérise par l’utilisation de « maërl », matière fertilisante constituée d’algues marines (lithothammes) calcifiées, riches en calcium, en magnésium et en oligo-éléments. Il est soit incorporé au sol, soit pulvérisé. La fumure organique « fraîche », compostée maximum un mois, est également utilisée.

-     Les cultures associées préconisées par Gertrud Franck, une jardinière allemande. Elle constate que dans un jardin sauvage, le sol n’est jamais dénudé. Une multitude de plantes et d’animaux vivent en bonne harmonie. Aucune plante ne prend le dessus sur les autres. Elle préconise une culture en lignes distancées chacune de 50 cm avec au milieu un engrais vert. Chaque année, on décale les lignes de 25 cm. Le choix de ce qui va être semé dans les lignes est assez complexe. Il y a des associations bénéfiques et d’autres qui sont à éviter. Cette méthode, difficile à appliquer dans la pratique, surtout à grande échelle, a donné naissance à un concept beaucoup plus récent : la permaculture.

Jadis, les associations étaient fréquentes. Elles ont complètement disparues suite à la mécanisation et au recours massif dans l’agriculture intensive moderne aux pesticides. Les maladies et les ravageurs sont rarement les mêmes dans les plantes que l’on veut associer.

Quelques associations emblématiques :

- maïs, haricots et courges au Mexique : le maïs sert de tuteur aux haricots qui apportent de l’engrais vert et les courges assurent la couverture du sol.

- carottes + poireaux en rangs alternés : réduction simultanées des attaquent de la mouche de la carotte et de la teigne des poireaux.

- le basilic repousse la mouche blanche qui s’attaque aux tomates.

- des radis (= croissance rapide) dans des lignes de carottes (= croissance lente) facilement perdue dans les mauvaises herbes.

- céréale + légumineuse (= apport d’azote) : orge + féverole ou blé + pois fourrager récoltées ensemble pour l’alimentation animale.

- agroforesterie : association d’arbres forestiers ou fruitiers avec d’autres cultures.

-         La méthode biodynamique préconisée par Rudolf Steiner, célèbre anthroposophe autrichien-hongrois (1861-1925). Ilest quasi impossible de résumer l’œuvre de Steiner qui touche à la fois, la médecine, l’enseignement, l’agriculture,… Steiner a ses partisans inconditionnels qui ont fondé des écoles à pédagogie Steiner, des hôpitaux, une banque (Triodos), des produits cosmétiques (Weleda, Dr Hauschka) et agricoles (label Demeter). Le monde scientifique et philosophique rejette en bloc son œuvre tant celle-ci leur est inaccessible par son ésotérisme. Pour essayer de faire simple, le livre « Cultiver son potager » édité par Test Achat résume l’agriculture biodynamique comme suit :

« Les plantes nous servent de nourriture autant, sinon davantage, par les forces dont elles sont porteuses que par les éléments matériels qui les composent. »

Ces forces se manifestent par la « vitalité » des plantes, leur dynamisme.

Pour « vitaliser » les végétaux, on utilise des préparations « biodynamiques » capable de capter des énergies cosmiques et telluriques.

Ces préparations ou « préparats » sont obtenues à partir de plantes médicinales, de fumier ou de silice et utilisées à faible dose.

La doctrine biodynamique insiste surtout sur :

  • l’équilibre indispensable entre les différentes parties d’une chaîne naturelle : bétail, prés, cultures…
  • le respect des affinités entre plantes et animaux ;
  • l’importance des influences astrales et cosmiques è jardiner avec la lune

Un nouveau concept qui englobe agriculture bio, économie durable,… : la permaculture

La permaculture est une science de conception de cultures, de lieux de vie, et de systèmes agricoles et humains utilisant des principes d'écologie et le savoir des sociétés traditionnelles pour reproduire la diversité, la stabilité et la résilience des écosystèmes naturels.

La permaculture renverse les dogmes de l'agronomie traditionnelle pour  proposer un nouveau mode de production agricole très économe en énergie (travail manuel et mécanique, carburant...) et respectueux des êtres vivants et de leurs relations réciproques.

Les grands principes

Pas de Labour
Quand on parle de travail du sol, immédiatement l'image du travail mécanique ou manuel du sol vient à l'esprit. Cependant, le travail du sol  c'est aussi le travail des racines des plantes, le travail des micro-organismes qui décomposent la matière organique, le travail des vers de terre qui sur une parcelle d'un hectare représentent en masse le poids de deux bœufs qui retournent la terre et participent à sa structuration en permanence.
Les labours profonds perturbent l'activité des micro-organismes anaérobies (ceux résidant en profondeur et ne consommant pas d'oxygène) et aérobies (ceux de la superficie qui doivent disposer d'oxygène pour vivre). De plus ces labours provoquent une minéralisation rapide de l'humus stocké en profondeur.

Bien sûr, on s'imagine mal un semis 'nu' à même le sol. L'absence de labour s'accompagne de deux mesures :

 Une nécessité de conserver une couverture permanente du sol, qu'il s'agisse d'engrais vert, de mulch (matériau végétal mort constituant un 'tapis' protecteur)

 Le semis de graines 'protégées' : les graines sont humidifiées et roulées dans de la poudre d'argile avant 'semis direct', ce qui les protège de l'extérieur. Lorsqu'un épisode pluvieux viendra humidifier la graine ainsi protégée, la levée de dormance aura lieu et la germination pourra commencer

Pas d'engrais
La terre n'est pas un support minéral, inerte. Elle abrite des centaines de millions de micro-organismes qui ne sont pas là sans raison. Ceux cis peuvent travailler de manière optimale et enrichir la terre s'ils ne sont pas perturbés par des apports extérieurs. Les engrais possèdent de nombreux effets pervers, et ne respectent pas la physiologie et la vitesse de croissance des végétaux. Si on augmente leur vitesse de croissance, ils se trouvent fragilisés et donc plus sensibles aux maladies et insectes, d'où la nécessité de recourir à une protection extérieure artificielle. De plus, les engrais ne se contentent souvent que d'apporter des composants majeurs (NPK) en négligeant les éléments secondaires (oligo-éléments) qui sont pourtant nécessaires à la plante. Pour cultiver sans engrais, il faut toutefois pratiquer le retour à la terre des parties de la plante inutilisées après la récolte. En effet la plante s'insère dans un cycle et si celui-ci est rompu par une exportation intégrale de la plante, le terre finira par se fatiguer.

Pas de pesticides
Les pesticides chimiques posent de nombreux problèmes, mis en lumière depuis de nombreuses années : bioaccumulation et concentration des résidus le long de la chaine alimentaire, induction d'une sélection  d'insectes résistants aux traitements nécessitant des épandages toujours plus fréquents, pollution de l'eau et de l'air...
En réalité les déséquilibres induits par les grandes monocultures intensives sont une aubaine pour les ravageurs qui trouvent là les conditions optimales pour leur reproduction et leur alimentation. Dans les système agricoles moins intensifs de polyculture, respectueux des écosystèmes, un certain équilibre s'établit, et la population de ravageurs est auto régulée car ces ravageurs ne sont que le maillon de la chaine alimentaire, qui est respectée dans ce type de système. Les haies, mares et autres refuge permettent aux auxiliaires (les 'prédateurs' des ravageurs) de jouer leur rôle. Une rotation judicieuse des cultures et une association intelligente des cultures dans le temps permet bien souvent à la population de ravageurs de rester sous le seuil de nuisance réel (si l'on tient compte de l'énergie utilisée pour la lutte).

Pas de sarclage
Existe-il vraiment des mauvaises herbes ? Une couverture du sol est toujours bénéfique. Les mauvaises herbes possèdent des racines qui pénètrent le sol, l'aèrent, l'ameublissent et l'enrichissent.  L'observation est de mise : les mauvaises herbes peuvent être d'excellents indicateurs à différents titres (état du sol, type de culture favorable sur cette parcelle...). Lorsque les mauvaises herbes posent des problèmes réels, il convient de les éliminer grâce à d'autres herbes qui les concurrencent plutôt que de gaspiller de l'énergie à les arracher à la main. Comme pour les ravageurs, les équilibres entre les différentes espèces viennent réguler les débordements.

Conclusion
Ces quatre grands principes sont pour le moins révolutionnaires. Manasobu Fukuoka a expérimenté des techniques pendant près d'un demi-siècle. Au bout de plusieurs dizaines d'années, il cultivait une espèce de riz qui était devenue très robuste à force de sélections naturelles et il obtenait des rendements identiques à ceux de la riziculture classique au Japon. A la fin des années 80, alors qu'il envisageait d'envoyer des semences de ce riz très performant dans les pays en voie de développement, ses activités ont connu une fin très brutale lorsque l'armée japonaise a saisi et détruit l'intégralité de sa récolte et de ses semences.

La pratique de la permaculture a été reprise à la fin des années 70 par Bil Molisson en Australie ou elle connait un essor certain dans ce pays.

LES LABELS, UNE JOYEUSE CACOPHONIE

Au début, le bio reste très marginal mais commence à avoir du succès. Le terme bio n’étant pas protégé, des personnes peu scrupuleuses qualifient de bio, par exemple des fruits présentant mal, pour les vendre 10 fois plus cher que leur valeur réelle. C’est à ce moment que des organismes privés comme Nature et Progrès France (création en 1964), Nature et progrès Belgique (création en 1976) ou L’Union des Agrobiologistes Belges élaborent chacun leur propre cahier des charges et délivrent leur label propre. Ce n’est qu’en 1991 que l’Union Européenne définit un cahier des charges commun à tout les Etats Membres. Les termes « bio » et « organic » deviennent protégés. Plus question d’autoproclamer « bio » tout et n’importe quoi. Il faut depuis impérativement se faire reconnaître et contrôler par un organisme reconnu, Ecocert ou Blik en Belgique. Les labels (concurrents) de Nature et Progrès et l’UNAB ne semblent plus avoir leur raison d’être. C’est alors que l’UNAB crée la marque « Biogarantie » et Nature et Progrès la mention « Adhérant à la charte de Nature et Progrès ». Signalons encore la mention internationale « Demeter » pour tous les produits issus de l’agriculture biodynamique. Cette situation se retrouvant dans chaque Etat Membre, on devine le nombre de labels qui peuvent coexister. L’Europe a eu toutefois la bonne idée de créer un label bio Européen, un épi entouré de 12 étoiles. Malheureusement, il n’est pas très explicite. Les labels nationaux ont décidément encore de beaux jours devant eux !  

PEU IMPORTE LA METHODE UTILISEE, LE CAHIER DES CHARGES EUROPEEN S’ATTACHE SURTOUT A :

     -     ce que les semences ou les animaux soient d’origine bio.

-         les animaux doivent disposer de suffisamment d’espace, de parcours extérieurs.

-         l’élevage hors sols est interdit, la nourriture doit être d’origine bio contrôlée, certaines pratiques d’élevage sont interdites…

-         les cultures hors sols sont interdites. Les engrais, pesticides, fongicides d’origine chimique sont interdits.

-         lors des contrôles impromptus menés par l’organisme de certification, des échantillons sont prélevés et analysés. Ils ne peuvent révéler de résidus chimiques.  

PAR CONTRE, LE LABEL NE GARANTIS PAS QUE LE FRUIT OU LE LEGUME LABELLISE BIO EST ISSU DU COMMERCE EQUITABLE ET QU'IL A UN FAIBLE IMPACT SUR L'ENVIRONNEMENT

Même si un kiwi, à l'analyse, ne contient aucun résidu chimique, il peut avoir un impact désastreux sur l'environnement s'il est acheminé par exemple de Nouvelle Zélande par avion.

Pareil pour une laitue produite en hiver dans une serre chauffée au moyen d'énergie fossile ou en été sur un sol préalablement désherbé au moyen d'un puissant chalumeau.

Il n'empêche que pas mal de produits bio sont issus du commerce équitable et que les consommateurs qui font la démarche d'acheter bio sont sensibles aux impacts de leurs choix sur l'environnement (et leur porte-monnaie).

Les produits élaborés au départ de denrées labellisées bio sont bien sûr exempts de résidus chimiques mais ne sont pas nécessairement d’un grand intérêt au niveau diététique. Un pain réalisé au départ de farine bio, mais, élaboré de la même façon que tout ce que l’on trouve dans le commerce classique ; c’est à dire une espèce de mousse très légère qui ne nourrit pas et qui vous fait tomber en hypoglycémie deux heures plus tard est sans intérêt.

En agriculture conventionnelle et malheureusement en bio aussi, les exploitants, à partir d’une certaine échelle, ont de plus en plus recours à une main d’œuvre interne à l’Union Européenne sous payées : roumains, polonais…

C’est tout à fait légal mais pas très éthiques.     

CE QUE JE FAIS

Je ne suis pas adepte d’une méthode particulière mais je m’inspire de toutes. Je pratique selon le cas le labour peu profond conjointement à l’épandage d’engrais organiques à diffusion lente, le fraisage après la plantation d’un engrais vert à l’automne ou encore l’épandage d’une couche de compost et un fraisage. Faux semis, rotations… En bio, on dispose de peu de moyens curatifs, il faut donc bien observer la végétation et les animaux et agir le plus préventivement possible. Je réalise des décoctions d’orties, j’utilise le pyrèthre, j’ai recours au baccilus thugirencis, au souffre, à la bouillie bordelaise, aux pièges à base de glu pour les mouches ou aux granulés à base de fer contre les limaces…

SI LE BIO EST CHER, LE CONVENTIONEL L’EST ENCORE PLUS

Coût du contrôle entièrement à charge du producteur, rendement plus faible, coûts plus élevés des intrants et surtout le temps consacré au désherbage explique les prix plus élevés.

Les produits alimentaires proposés à si bas prix grâce ont recours à la chimie, voir à des substances aujourd'hui interdites mais disponibles sur des marchés parallèles, ne permettent généralement pas une rétribution correcte du producteur et de son personnel.

Seule, une prise de conscience des consommateurs pourra inverser ce phénomène.

QUELQUES CHIFFRES

Le bio représente pour 2013 en Belgique environ 2% (= 403 millions d’euro) des dépenses d’alimentation des ménages et ne cesse de progresser (+ 8 % par rapport à 2012)

45% des ventes se font dans la grande distribution. Cette dernière, en position de force, tire les prix par le bas.

Les agriculteurs sont de moins en moins rémunérés malgré le fait que la demande augmente. Les producteurs, qui fournissent la grande distribution, sont contraints de satisfaire le cahier des charges de la bio dans une vision minimaliste pour répondre à la demande de prix bas imposée par les acheteurs de grandes surfaces.

On compte environs 1200 fermes bio en Wallonie (2013 = 9,2%) contre seulement une cinquantaine en 1990.

Au départ, les fermes bio était plus nombreuses en Flandre mais cela s’est vite inversé.

Cela représente une surface de 57.000 Ha en Wallonie (2013) = 8,1% de la surface agricole wallonne contre seulement 5000 Ha en Flandre.

L’AVENIR DU BIO MENACE ?

La commissaire européenne à l’agriculture a décidé de réactualiser complètement le règlement européen de 1991. Un nouveau règlement est entré en vigueur au premier janvier 2009. La première mouture du projet est apparue imbuvable pour l’ensemble des consommateurs et producteurs. Les transformateurs y étaient par contre favorables…

Ce qui fâche le plus, c’est la tolérance d’Organismes Génétiquement Modifiés par contamination à concurrence de maximum 0,9% (comme dans l’agriculture conventionnelle) au lieu de 0,1% anciennement (= le seuil de détection) Il n’y a pas (encore) de problème actuellement en Belgique car nous n’avons pas de culture d’OGM en pleins champs. Par contre, certaines récoltes bio sur le continent américain doivent être déclassées car elles sont polluées par des cultures voisines à base d’OGM !

D’autre part, le nouveau règlement permet de recourir à des substances chimiques, si l’on ne dispose pas de moyens de lutte bio. Les précurseurs et fondateurs de l’agriculture biologique doivent se retourner dans leurs tombes !

Ce texte a été présenté une première fois devant le conseil des 27 ministres de l’agriculture européen, a fait un retour chez la commissaire de l’agriculture avant d’être présenté à la commission du Parlement Européen, devant le parlement européen pour avis (négatif, ce dernier ayant rejeté la présence d’OGM) Ce texte est revenu chez la commissaire à l’agriculture européenne qui avait la possibilité de le modifier en fonction de l’avis donné par le conseil des ministres et par le parlement (qui n’a de parlement que le nom) La décision finale a été prise par le conseil des ministres de l’agriculture européenne. Contre l’avis des européens représentés par leurs parlementaires démocratiquement élus, les ministres ont avalisés la proposition de la toute puissante administration Européenne à savoir : la présence par contamination accidentelle d’un maximum de 0,9% d’OGM dans le bio! Seul, quatre ministres ont voté contre : l'italien, le grec, le hongrois et ... le belge.

On devine que la toute puissante administration européenne, en relevant la tolérance d’OGM à 0,9% (tout comme dans le conventionnel), a voulu préparer le terrain pour que la culture d’OGM puissent se généraliser sans devoir payer des lourds dédommagements aux fermiers bio dont la production aurais dû être déclassée suite à une présence accidentelle d’OGM.

Pour ma part, j’ai décidé de réduire la facture finale à mes clients en renonçant à ces différents labels, ma petite production étant seulement écoulée dans mon magasin.  

TOUT N’EST PAS A JETER DANS CE NOUVEAU REGLEMENT EUROPEEN, NOTAMENT POUR LE VIN

Aussi incroyable qu’il n’y paraît, le précédent règlement européen ne s’appliquait qu’à la culture du raisin, pas à la vinification. Une bouteille de vin portant la mention « AB » ou le logo bio européen avec les 12 étoiles pouvait comporter touts les additifs autorisés dans la vinification conventionnelle et provoquer, pourquoi pas de solides maux de tête (à cause du SO2, l’anhydride sulfureux ou soufre, un additif utilisé pour améliorer la conservation du vin et masquer...la mauvaise qualité du raisin)

L’EUROPE N’A PAS VOULU DEFINIR CE QUE DEVAIT ETRE UN COSMETIQUE BIO

Dès lors, toute une série de labels bio-cosmétiques ont vu le jour des plus sérieux aux plus laxistes. Une joyeuse cacophonie qui n’est pas sans rappeler les premiers labels bio liés à l’agriculture avant que l’Europe ne s’en mêle.

Cent années d’engrais azotés provenant des carburants fossiles

 

Centre d'agriculture biologique du Canada

En octobre 1908, Fritz Haber a déposé son brevet d’invention sur la « synthèse de l’ammoniac depuis ses éléments ». C Cent années d’engrais azotés provenant des carburants fossiles

Centre d'agriculture biologique du Canada

En octobre 1908, Fritz Haber a déposé son brevet d’invention sur la « synthèse de l’ammoniac depuis ses éléments ». Cette réalisation lui a valu le Prix Nobel de chimie en 1918. Il a collaboré avec un collègue de l’industrie, Carl Bosch, pour développer le procédé Haber-Bosch et manufacturer de grandes quantités d’engrais azoté et d’explosifs. Et ainsi les humains ont vu une fois de plus « l’épée faire place à la charrue ».

Les implications de l’inlassable bricolage de Haber dans un laboratoire d’Allemagne il y a cent ans ont été profondes.

Depuis la première guerre mondiale, les praticiens de l’agriculture ont appliqué avec zèle le procédé Haber-Bosch, un procédé à forte consommation d’énergie. Au cours du siècle dernier, la courbe graphique qui décrit la croissance exponentielle de l’utilisation de l’engrais azoté chevauche étroitement la courbe décrivant l’utilisation d’énergie en agriculture et chevauche aussi une autre courbe indiquant la croissance de la population humaine. Quel sera l’impact de ces croissances étant donné que l’énergie va devenir un facteur limitant?

Les molécules gazeuses d’azote, sous la forme de deux atomes d’azote liés ensemble par des liens triples, composent 78% de notre air. L’obtention d’engrais azoté par le procédé Haber-Bosch se fait à une température de 1000’C et sous une pression de 1000 atmosphères. La chaleur et la pression contenues séparent les atomes d’azote et attachent un atome d’hydrogène à chaque lien brisé de l’azote pour former le NH3, ou l’ammoniac. Pour accomplir cette transformation, nous avons besoin de carburants fossiles et de gaz naturel comme source d’hydrogène.

À titre de comparaison, le rhizobium, une modeste bactérie vivant sur les plantes de légumineuses (telles les pois, les fèves, le trèfle), fait le même travail en utilisant des enzymes et très peu d’énergie, sous la forme de glucides fournis par la plante-hôte. Les plantes de légumineuses reçoivent l’azote du rhizobium, et le rhizobium reçoit des glucides de la légumineuse. Il nous appartient d’exploiter cet accord de commerce ancestral ou cette symbiose millénaire et d’en faire un exemple de civisme.

En 1798, le sinistre Révérend Malthus a énoncé que la population humaine s’accroissait exponentiellement, que la production de nourriture n’augmenterait que de façon linéaire et que « l’homme » n’échapperait pas à cette loi. Un siècle plus tard, Fritz Haber semble avoir fourni la clé pour échapper à cette loi. Grâce au généreux graissage énergétique, cette clé fonctionne bien.   La population humaine, l’utilisation d’engrais azoté, la production de nourriture et l’utilisation d’énergie ont toutes augmenté de manière exponentielle.

Aujourd’hui, comme les sources d’énergie diminuent et que les émissions de gaz à effet de serre augmentent à cause de la combustion des énergies fossiles, de l’élevage intensif des animaux domestiques et d’un usage excessif d’engrais azoté, il serait bien de reconsidérer l’avertissement de Malthus énoncé il y deux cents ans. Après tout, son avertissement n’était qu’un signal d’alarme et non pas un défi d’agir comme si les limites de la biologie ne s’appliquaient pas aux peuples et aux scientifiques modernes. La science basée sur le réalisme écologique nous servira plus efficacement que la science basée sur l’orgueil et les fantaisies des hommes.

En Europe et en Chine, les fermes biologiques ont des rendements nettement inférieurs aux fermes conventionnelles sur lesquelles sont appliquées des quantités d’engrais azotés relativement élevées par hectare. En Amérique du Nord, les fermes biologiques affichent environ 90%-95% des rendements des fermes conventionnelles et dans certains pays d’Afrique, les fermes biologiques ont des rendements qui excèdent ceux des fermes conventionnelles. À ce jour, une très faible proportion des fermes sont biologiques à l’échelle mondiale.

Serons-nous capables de nourrir la planète sans l’azote manufacturé? Plusieurs agronomes arguent que nous ne le pourrons pas, mais ils soutiennent également que nous devons continuer à produire non seulement des quantités identiques de nourriture, mais des quantités annuelles croissantes pour assurer un filet de sécurité. D’autres suggèrent que l’utilisation de l’azote des légumineuses et la réduction de la consommation de viande, particulièrement celle provenant d’animaux nourris aux grains dans les parcs d’engraissement, pourraient solutionner la pénurie potentielle de nourriture. Les autres approches proposent de recycler au lieu de gaspiller les nutriments (telles les eaux usées des humains, dont l’utilisation serait encadrée par des mesures de sécurité), de compter davantage sur les jardins urbains (rappelons-nous les jardins de la victoire de la deuxième guerre mondiale), de cultiver toutes les terres productives sises près des villes et d’adopter des méthodes biologiques.

Qu’est-ce que l’arrêt de l’utilisation de l’azote manufacturé signifiera? Vaclav Smil, de l’Université du Manitoba, argue qu’en 2000,   40% des gens dépendaient de l’engrais azoté pour se nourrir et un estimé plus récent, fait par Erisman et ses collègues, publié dans Nature en octobre 2008, établit que 48% des gens, soit près de la moitié de l’humanité, dépendent de l’engrais azoté pour leurs besoins en nourriture.

Aujourd’hui, le tiers de l’énergie consommée en agriculture sert à produire l’engrais azoté. Même si la population humaine ne croît pas, et comme nous utilisons désormais l’engrais azoté pour cultiver des biocarburants et des cultures de biomasse, il est prévu que la demande pour l’engrais azoté croîtra au-delà des épargnes générées par l’amélioration des pratiques agricoles.

Il y a cent ans, le miracle de l’engrais azoté nous a aidés à dépasser des limites contraignantes et il devint possible d’en faire plus. Avec les méthodes de production qui prévalent aujourd’hui, plusieurs personnes doivent leur vie à ce phénomène, mais les carburants fossiles diminuent et les émissions de gaz à effet de serre augmentent.

Ralph C. Martin, Ph.D., P. Ag., est le directeur-fondateur du Centre d’agriculture biologique du Canadaette réalisation lui a valu le Prix Nobel de chimie en 1918. Il a collaboré avec un collègue de l’industrie, Carl Bosch, pour développer le procédé Haber-Bosch et manufacturer de grandes quantités d’engrais azoté et d’explosifs. Et ainsi les humains ont vu une fois de plus « l’épée faire place à la charrue ».

Les implications de l’inlassable bricolage de Haber dans un laboratoire d’Allemagne il y a cent ans ont été profondes.

Depuis la première guerre mondiale, les praticiens de l’agriculture ont appliqué avec zèle le procédé Haber-Bosch, un procédé à forte consommation d’énergie. Au cours du siècle dernier, la courbe graphique qui décrit la croissance exponentielle de l’utilisation de l’engrais azoté chevauche étroitement la courbe décrivant l’utilisation d’énergie en agriculture et chevauche aussi une autre courbe indiquant la croissance de la population humaine. Quel sera l’impact de ces croissances étant donné que l’énergie va devenir un facteur limitant?

Les molécules gazeuses d’azote, sous la forme de deux atomes d’azote liés ensemble par des liens triples,  composent 78% de notre air. L’obtention d’engrais azoté par le procédé Haber-Bosch se fait à une température de 1000’C et sous une pression de 1000 atmosphères. La chaleur et la pression contenues séparent les atomes d’azote et attachent un atome d’hydrogène à chaque lien brisé de l’azote pour former le NH3, ou l’ammoniac. Pour accomplir cette transformation, nous avons besoin de carburants fossiles et de gaz naturel comme source d’hydrogène.

À titre de comparaison, le rhizobium, une modeste bactérie vivant sur les plantes de légumineuses (telles les pois, les fèves, le trèfle), fait le même travail en utilisant des enzymes et très peu d’énergie, sous la forme de glucides fournis par la plante-hôte. Les plantes de légumineuses reçoivent l’azote du rhizobium, et le rhizobium reçoit des glucides de la légumineuse. Il nous appartient d’exploiter cet accord de commerce ancestral ou cette symbiose millénaire et d’en faire un exemple de civisme.

En 1798, le sinistre Révérend Malthus a énoncé que la population humaine s’accroissait exponentiellement, que la production de nourriture n’augmenterait que de façon linéaire et que « l’homme » n’échapperait pas à cette loi. Un siècle plus tard, Fritz Haber semble avoir fourni la clé pour échapper à cette loi.  Grâce au généreux graissage énergétique, cette clé fonctionne bien.  La population humaine, l’utilisation d’engrais azoté, la production de nourriture et l’utilisation d’énergie ont toutes augmenté de manière exponentielle.

Aujourd’hui, comme les sources d’énergie diminuent et que les émissions de gaz à effet de serre augmentent à cause de la combustion des énergies fossiles, de l’élevage intensif des animaux domestiques et d’un usage excessif d’engrais azoté, il serait bien de reconsidérer l’avertissement de Malthus énoncé il y deux cents ans. Après tout, son avertissement n’était qu’un signal d’alarme et non pas un défi d’agir comme si les limites de la biologie ne s’appliquaient pas aux peuples et aux scientifiques modernes. La science basée sur le réalisme écologique nous servira plus efficacement que la science basée sur l’orgueil et les fantaisies des hommes.

En Europe et en Chine, les fermes biologiques ont des rendements nettement inférieurs aux fermes conventionnelles sur lesquelles sont appliquées des quantités d’engrais azotés relativement élevées par hectare. En Amérique du Nord, les fermes biologiques affichent environ 90%-95% des rendements des fermes conventionnelles et dans certains pays d’Afrique, les fermes biologiques ont des rendements qui excèdent ceux des fermes conventionnelles. À ce jour, une très faible proportion des fermes sont biologiques à l’échelle mondiale.

Serons-nous capables de nourrir la planète sans l’azote manufacturé? Plusieurs agronomes arguent que nous ne le pourrons pas, mais ils soutiennent également que nous devons continuer à produire non seulement des quantités identiques de nourriture, mais des quantités annuelles croissantes pour assurer un filet de sécurité. D’autres suggèrent que l’utilisation de l’azote des légumineuses et la réduction de la consommation de viande, particulièrement celle provenant d’animaux nourris aux grains dans les parcs d’engraissement, pourraient solutionner la pénurie potentielle de nourriture. Les autres approches proposent de recycler au lieu de gaspiller les nutriments (telles les eaux usées des humains, dont l’utilisation serait encadrée par des mesures de sécurité), de compter davantage sur les jardins urbains (rappelons-nous les jardins de la victoire de la deuxième guerre mondiale), de cultiver toutes les terres productives sises près des villes et d’adopter des méthodes biologiques.

Qu’est-ce que l’arrêt de l’utilisation de l’azote manufacturé signifiera? Vaclav Smil, de l’Université du Manitoba, argue qu’en 2000,  40% des gens dépendaient de l’engrais azoté pour se nourrir et un estimé plus récent, fait par Erisman et ses collègues, publié dans Nature en octobre 2008, établit que 48% des gens, soit près de la moitié de l’humanité, dépendent de l’engrais azoté pour leurs besoins en nourriture.

Aujourd’hui, le tiers de l’énergie consommée en agriculture sert à produire l’engrais azoté. Même si la population humaine ne croît pas, et comme nous utilisons désormais l’engrais azoté pour cultiver des biocarburants et des cultures de biomasse, il est prévu que la demande pour l’engrais azoté croîtra au-delà des épargnes générées par l’amélioration des pratiques agricoles.

Il y a cent ans, le miracle de l’engrais azoté nous a aidés à dépasser des limites contraignantes et il devint possible d’en faire plus. Avec les méthodes de production qui prévalent aujourd’hui, plusieurs personnes doivent leur vie à ce phénomène, mais les carburants fossiles diminuent et les émissions de gaz à effet de serre augmentent.


Ralph C. Martin, Ph.D., P. Ag., est le directeur-fondateur du Centre d’agriculture biologique du Canada